LES ORIGINES DU VERLAN
Parlé à l'origine dans les milieux peu éduqués des banlieues françaises, boudé de la fin des années 1930 à celle des années 1970, le verlan est aujourd'hui employé en France par différentes classes sociales et popularisé par certains chanteurs, comme Renaud Séchan dans "Laisse Béton", 1978 mais surtout par les nombreux groupes de rap français , comme NTM ou Assassin, ou aussi certains cinéastes (Claude Zidi, Les Ripoux, 1984). Jacques Dutronc avait été précurseur avec sa chanson en verlan datée de 1971 : J'avais la vellecère qui zéfait des gueuvas (J'avais la cervelle qui faisait des vagues). À l'époque, la chanson passa inaperçue, car personne ou presque personne ne comprenait alors le verlan.
Au cours des années 1970 et 1980, le verlan est couramment parlé dans les banlieues parisiennes. Il a été constitutif d'une identité très particulière des habitants des grandes banlieues dortoirs. Après les blousons noirs (vêtement porté par Renaud Séchan lui-même et par les rockers de manière plus générale) qui semblent avoir colporté ce langage des temps anciens, la nouvelle génération des jeunes de banlieues, pour partie issus de l'immigration africaine - noire ou maghrébine, se sont approprié celui-ci, en l'intégrant à leur culture, en particulier musicale, elle-même provenant des États-unis : la culture Hip-hop.
Le début des années 1990, marqué par l'émergence du mouvement groove, représente le début d'une réintroduction massive du verlan dans le langage parlé en France et surtout au sein des nouvelles générations. L'essor du rap, genre musical exploitant des textes généralement engagés, a fortement contribué à la dissémination du verlan dans la population française.
Les amateurs de rap, qui étaient alors majoritairement des jeunes, se sont retrouvés dans les textes et les idées véhiculés par les rappeurs. Le verlan leur a permis à la fois de se démarquer par leur différence culturelle et sociale et d'apporter une nouvelle identité plus marginale et souvent plaisante à l'âge adolescent. Les textes rappés sont aussi des laboratoires du verlan : ils sont basés davantage sur le rythme et le ton que sur les harmonies, les allitérations sont omniprésentes, ce qui pousse les rappeurs à inventer au besoin des mots ou de populariser des mots en verlan encore peu connus.
Des groupes comme NTM, Sages Poètes de la Rue ou encore le Ministère AMER, précurseurs de la scène rap française, sont les principaux acteurs du retour du verlan dans le pays.
En 2004, un certain verlan (essentiellement constitué d'un vocabulaire) a fini par être plus ou moins compris et utilisé par la plupart des classes sociales, ce qui en fait un langage en cours de démocratisation loin de son image marginale initiale qui tend à s'estomper. Toutefois, il existe quelques poches géographiques dans lesquelles un verlan très "pur"/"dur" est utilisé quotidiennement. Un tel langage associé à un accent particulier est assurément incompréhensible au non initié et contribue par la diversité des variantes à établir des identités de "quartier" très fortes.
Le développement presque exponentiel des nouveaux moyens de communication, le SMS en tête, a rendu pratique le verlan, notamment en raison du caractère raccourci des formes verlanisées bien plus rapides à taper sur des claviers que leurs équivalents dans la langue française officielle. Cela a conduit des représentants de couches sociales moyennes et élevées, grands consommateurs de ces nouveaux outils personnels de communication, à utiliser le verlan et, partant, à le comprendre.
QUELQUES MOTS OU EXPRESSIONS LES PLUS UTILISÉES EN VERLAN |
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Les adjectifs : |
Zarb (ou zarbi) = bizarre |
Ouf = fou |
Relou = lourd |
chelou = louche, bizarre |
Auch = chaud |
Ripou = pourri (corrompu) |
Chanmé = méchant (terrible) Chébran = branché (usage obsolète !) |
Les noms : |
Une teuf = la fête |
La reum = la mère Le reup = le père |
La meuf = la femme |
Le keum = le mec (l’homme) |
Le refré = le frère |
Un Séfran = un Français |
Un rebeu = un beur (un jeune kabyle) |
La tess (ou la téci) = la cité (là où habitent les immigrés) |
Un skeud = un disque |
un Feuj = un Juif |
un Keuf = un flic (un policier) |
une Tof = une Photo |
La zic (ou zicmu) = la musique |
Le genar (prononcez gen-ar) = l’argent |
La turvoi = la voiture |
La chebou = la bouche |
La caillera = racaille (les individus louches) Le trom (ou le tromé) = le métro La chétron = la tronche (le visage, usage obsolète, mais rendu célèbre par Renaud ) |
Les verbes |
géman = mangé |
tèj = jetter (laisser tomber quelqu’un) |
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Les expressions |
Zy-va = vas-y ! |
Laisse béton = laisse tomber (abandonne) |
Ça cheumar = ça marche Sakome = comme ça |
A donf = à fond ( complètement) |